Histoire
Un peu d’histoire (histoire d’Aunac)
Historique familles successivement propriétaires
945 – 1202 Guillaume II dit Taillefer comte d’Angoulême: Le surnom de Taillefer gagné lors des combats contre les Vikings fut ensuite transmis à sa descendance.
1220-1347 -Aubert du Chastenet aide, dans sa lutte contre les Anglais, Philippe VI de Valois qui, l’autorise à « tenir maison forte et garnison à Mortagne » (Saint-Front).
1375 – 1463 Guillaume de Torsay fils de Dame Talaise Chastenet guerroie aussi contre les Anglais sous les règnes de Charles VI et de Charles VII; il est fait prisonnier et retenu captif en Angleterre pendant plusieurs années, comme le comte Jean d’Angoulême.
1463-1491 Guillaume de La Rochefoucauld a épousé Marguerite de Torsay nommé sénéchal de l’Angoumois, obtient les terres d’Aunac, de Lichéres, saint Front et de couture. Il fait construire le château d’Aunac
491- 1741- Charles de Volvire épousa le 14 novembre 1491 Marguerite de La Rochefoucault – Jean de Volvire « Frondeur » (duc de La Rochefoucauld et prince de Conti) jusqu’en 1653 Aunac est occupé par une garnison royale.
1741 -1789 lieutenant René celestin de Saint-Pern (Bretagne) épouse Marie philippe de l’olivier fille de Marie thérèse de Volvire ils auront 12 enfants; Saint Pern arrêté en octobre 1793, emmené à Paris le 21juin 1794 monte à l’échafaud le 4 octobre 1794
09 février 1794 vente des meubles du château d’Aunac
Toponymes latins
La romanisation, accompagnée sur la partie sud ouest du territoire d’une certaine présence romaine, a pour conséquence la latinisation dans cette Gaule méridionale.
– Dans leur domaine terrien, les Gallo-romains établissent des villae. On comprend donc que beaucoup de toponymes actuels doivent leur nom à un propriétaire gallo-romain, celte latinisé ou encore vétéran récompensé.
– les noms en -ac, (Auvergne, Limousin, Charentes), continuent d’être utilisé, mais souvent avec le nom d’un propriétaire à consonance latine,
– La plupart des noms de la région charentaise finissant en -AC (contraction du gallo-romain ACUM, qui signifie « chez » ou « domaine de » ) sont d’origine gauloise. La construction en est simple : nom + acum. exemple : le domaine Aunus ( nom d’un riche gallo-romain) et du suffixe latin de lieu » acum devient Aunac
– Deuxième hypothèse : domaine du marais auna en gaulois signifie marais + acum = Aunac
– Troisième Hypothèse : Auln (lieu planté d’aulne) + acum = Aunac.
Les Seigneurs d’Aunac du XIIe au XVIIIe siècle
L’ouvrage comprend deux parties une étude généalogique et historique des familles du Chastenet, de Torsay, de La Rochefoucauld et de Volvire, successivement propriétaires du fief d’Aunac, de 1250 à 1741; un recueil de lettres des membres de la famille de Saint-Pern et de ses correspondants, avec commentaires relatant les vicissitudes de cette famille de 1741 à 1814. Une table des noms de lieux et de personnes (les noms de lieux en italique) occupe dix-sept pages.
Pour la première partie, l’auteur utilise surtout l’Inventaire de tous les tiltres concernant la terre et seigneurie d’Aunac, qui sont dans le Trésor du dit lieu d’Aunac, manuscrit qui appartient à un descendant d’un beau-frère de François de Volvire. Il y a rencontré les noms de nombreux notaires, ancêtres de dynasties notariales Dupuys (1248), Simon (1330), Deraffoux (1346), Poitevin (1462), Mouroux (1490), Dubois (1537), Baudrant (1547), etc. Outre les actes notariés, le manuscrit contient des lettres adressées aux seigneurs d’Aunac par Charles IX, Henri III, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV; on y trouvera des détails intéressants sur les guerres civiles.
Le fief d’Aunac fut érigé en châtellenie en 1477. Mais depuis deux siècles et demi déjà l’on peut, grâce à l’inventaire, en suivre l’histoire. C’est par mariage qu’il passe d’une famille à l’autre. Et. Chaque famille a son grand homme. Aubert du Chastenet aide, dans sa lutte contre les Anglais, Philippe VI qui, en 1347, l’autorise à « tenir maison forte et garnison à Mortagne » (Saint-Front). Guillaume de Torsay guerroie aussi contre les Anglais sous les règnes de Charles VI et de Charles VII; il est fait prisonnier et retenu captif en Angleterre pendant plusieurs années, comme le comte Jean d’Angoulême Guillaume de la Rochefoucauld fait construire le château d’Aunac et est nommé en 1463 sénéchal de l’Angoumois. René de Volvire contribue en 1577 à reprendre Montbron aux protestants, ce dont Henri III lui sait « tout bon gré »; le roi lui écrit en 1585 pour l’empêcher de l’allier aux Ligueurs, »gens qui aiment mieux le profit que vostre honneur et leur devoir »,et il y réussit. Aussi accorde-t-il en 1589 au seigneur d’Aunac des lettres de sauvegarde. Jean de Volvire ne montre pas la même fidélité à Louis XIV que son arrière-grand-père à Henri III il se laisse entraîner dans la Fronde: par le duc de la Rochefoucauld et le prince de Conti, qui lui écrit en 1649 pour le prier de « tascher à faire un bon régiment ». A la suite de cette escapade, Aunac fut occupé par une garnison royale jusqu’en 1653.
Le lieutenant de Saint-Pern épouse en 1741 une petite-fille du dernier seigneur de Volvire il était Breton et vécut avec sa femme en Bretagne. Une correspondance s’engagea entre les Saint-Pern, seigneurs d’Aunac, mais qui n’y vinrent jamais, la grand-mère, Mme d’Aunac, et des parents d’Angoumois. L’auteur publie des lettres:
– De M. de Saint-Pern au frère de Mlle d’Aunac, M. du Vignaud, qui gérait la. terre d’Aunac;
– De Mme d’Aunac à son neveu, le lieutenant, de Chambonnaud, fils du précédent; elle lui écrit. (19 décembre 1757):
« M. l’Intendant….2 passe son yver à Angoulesme… Il loge chez M. de Chaniers… Sa femme est jalouse; elle trouvera bien des danseuses à Angoulême plus jolies qu’elle, car on la dit fort layde… »
Mme d’Aunac sait aiguiser l’épigramme, ses lettres sont souvent spirituelles et malicieuses, la lecture en est agréable.
De deux correspondants d’un autre frère de Mme d’Aunac, Louis Préverauld, chanoine d’Angoulême.
L’une des lettres est de l’évêque de Soissons, consulté par lui pour savoir quelle est la conduite à tenir à l’égard d’un prêtre « appelant », c’est-à-dire refusant de se soumettre à la bulle Unigenitus, qui en 1713 avait condamné. le jansénisme; l’antre d’un ancien chanoine d’Angoulême résidant à Paris, Bareau de Girac, qui se réjoui d’apprendre que l’évêque d’Angoulême, d’abord favorable aux « appelants », « s’est laissé toucher envers les Pères Jésuites » (6 octobre 1730).
De M. du Vignaud à son fils. En 1761 il lui raconte qu’il fit nue chute de cheval dans un chemin semé d’écueils au sens propre du mot. Son récit en dit long sur l’état des routes au XVIIIe siècle3;
Du colonel de Saint-Pern, frère du seigneur d’Aunac, an lieutenant de Chambonnaud. Ces lettres, datées de 1760 et 1761, sont relatives aux attaques des Anglais sur les côtes de Bretagne, et particulièrement à la prise de « Belisle » par la flotte anglaise;
De Mme de Saint-Pern à M. de Chambonnaud;
De l’abbé Lagrange à M de l’Abrègement, tante de Mme de Saint-Pern. Cet abbé se qualifiait « abbé de Volvire », titre que ne veut pas reconnaître Mme de l’Abrègement. Ce refus lui vaut une lettre très curieuse, où l’abbé ne mâche pas ses mots;
De Mme de Saint-Pern et de son régisseur, le sieur Bonnet: ces lettres apportent une utile contribution à l’histoire de la Révolution en Bretagne.
M. et Mme de Saint-Pern furent arrêtés au mois d’octobre 1793 et emmenés à Paris. L’une monta à l’échafaud le 21juin 1794; l’autre fut sauvé par l’exécution de Robespierre, mais mourut d’épuisement le 4 octobre. La vente aux enchères des meubles du château d’Aunac avait eu lieu le 9 février de la même année…
Les Mouvements Populaires à Aunac au XIXe siècle
La population d’Aunac, habituée à croire à la nécessité des classes dirigeantes, a une tendance à l’obéissance passive. Aussi a-t-elle accepté sans résistance les divers régimes de gouvernement qui se sont succédé. Elle a toujours été de nature peu effervescente. Il n’est donc pas étonnant que, pendant la Révolution de 1789, les jours d’enthousiasme et les jours de deuil n’aient amené à Aunac aucun mouvement populaire. S’il y en avait eu, le souvenir n’en serait certes pas perdu après moins de 100 ans.
En 1831, pourtant, la population, qui avait poussé un soupir de soulagement à l’annonce de la Révolution de 1830, résolut de célébrer par un banquet l’anniversaire des trois glorieuses. Toute la population hommes, femmes, enfants, prit un repas en commun, repas dont le vin avait été acheté au compte de la commune. Il y eut du trouble à ta fin la fin de la journée.
L’année 1848 vit à Aunac deux manifestations et un mouvement de terreur panique que je vais raconter:
Après le vote de l’impôt de 45 centime, Aunac étant le siège de la perception, vit arriver les gardes nationaux de Mouton armés pour refuser de payer 1’impôt. Ils auraient pu faire un mauvais parti au percepteur si celui-ci ne leur avait parlé avec calme et ne leur eût dit: « Mes amis, je ne puis vous convaincre de payer; faites comme vous l’entendrez. »
Quelque temps après, une compagnie de dragons campa sur la place d’Aunac. Leur apparition suffit pour amener les gens de Mouton et ceux de quelques communes récalcitrantes à des idées d’obéissance.
Cependant, quelques jours plus tard, M. Marchive, sous-préfet de Ruffec, vînt visiter le bataillon de la garde nationale d’Aunac. Le bataillon était réuni dans les prés qui touchent le pont. M. Marchive voulut parler. Aussitôt sa voix fut couverte par des cris de réprobation: « A bas les 45 centimes! à bas le sous préfet! »
Le sous-préfet engagea aussitôt le chef de batai1lon à faire rompre les rangs, ce qui fut fait aussitôt.
Enfin, un peu après les journées de juin, le 11 juillet 1848, une panique indescriptible se répandit dans la population. 900 insurgés, disait-on, étaient à Chenon, commune voisine, où ils mettaient tout à feu et à sang. En un clin d’oeil, tous les habitants, sans raisonner, sans se demander d’où pouvaient venir ces insurgés, crurent fermement au bruit répandu et se mirent en devoir d’aller au secours de leurs voisins de Chenon. Les piques, les fourches, les faux emmanchées à l’en vers, quelques-unes maniées par des mains de femmes, prirent la route de Chenon, ou on ne trouva personne, pas même les habitants de Chenon qui, eux, étaient allés, une lieue plus loin, au secours de leurs voisins de Verteuil, menacés par d’autres insurgés. Détail burlesque: Une vieille femme, ayant son tablier plein de cendres, marchait au combat, se proposant d’aveugler les insurgés. On avait barricadé le pont d’Aunac avec des charrettes. Sur ces entrefaites, arrive de Ruffec, dans sa voiture, M. Brothier, plus tard conseiller général du canton de Mansle. Cet honorable citoyen était connu pour ses idées libérales. Ce fut avec bien de la peine qu’on consentit à le laisser passer. Et les regards qu’on lui lança, les sourds murmures qu’il excita dans la foule qu’il voulait calmer purent lui prouver que, dans l’esprit de ceux à qui il parlait, il était soupçonné de pactiser avec les prétendus insurgés.
En 1860, à l’époque où la commune d’Aunac établit un péage sur les bestiaux amenés sur le champ de foire, les habitants de Mouton firent une manifestation hostile et déclarèrent qu’ils laisseraient leurs bestiaux sur les bords de la route où on ne pourrait les faire payer puisqu’ils ne rentreraient pas dans le champ de foire.
Il fallut que la gendarmerie intervînt pour les contraindre ou à rentrer en foire ou à s’en retourner, afin de laisser libre la voie publique. Ils finirent par obéir aux injonctions de la police.
Les Souvenirs du Château d’Aunac en 1810
Il se passa au château d’Aunac un fait extraordinaire en l’année 1810, dont les habitants de la commune ont gardé la mémoire.
Une fille Petignot, d’Aunac, était montée par un jour de grand vent sur les remparts de la grosse tour; elle y avait aussi fait monter ses deux petits frères. La portion du rempart sur laquelle ils étaient se descella, et tous les trois furent précipités dans l’espace. Les deux enfants tombèrent morts au pied de la tour; mais levent s’étant engouffré dans les jupons de la soeur aînée, cette sorte de parachute la protégea si bien qu’elle ne se fit aucun mal. Depuis cette époque, elle a porté jusqu’à sa mort le surnom de « la belle Sauteuse ». Je me suis assuré que cela est parfaitement véridique.
Aux souvenirs du château se rapporte aussi la légende dite « du boisseau de blé ».
C’était peu de temps avant la Révolution. Une femme dont on cite la famille avait conduit au Moulin d’Aunac, qui était naturellement une dépendance du château, un boisseau de blé pour le faire moudre.
Au moulin, on n’eut pas le temps ou la volonté de moudre le blé; mais on eut celui de descendre le sac au moulin et de le vider à moitié. Puis, on dit à cette femme: « Maintenant, allez faire moudre au moulin de Moutonneau. Nous n’avons pas le temps ici. »
Au moulin de Moutonneau, on opéra si bien encore que le boisseau de blé devint presque à rien.
On cite également l’endroit où, au Vieux-Aunac, était le four banal dépendant du château, où chacun devait cuire son pain.
Evolution de l’Agriculture au XIXe siècle
La propriété est aujourd’hui excessivement divisée à Aunac, même pour permettre aux cultivateurs de s’outiller suivant le progrès. Il n’en était pas ainsi autrefois. Il ne faut pas remonter à plus de 50 ans pour trouver une grande portion de la commune entre les mains de trois ou quatre familles: les de Chambonnaud, les Gréau, les Barraud, et leurs alliés.
Il est à remarquer que ce qui, à cette époque, appartenait aux petits propriétaires, c’était les terres faibles, peu fertiles naturellement et les plus éloignées des habitations. La seule famille de Chambonnaud possédait 64 hectares sur les 400 et quelques formant la superficie communale, le tout de premier choix et entourant les maisons. Ces grandes propriétés sont toutes divisées aujourd’hui et on ne trouverait pas maintenant dans toute la commune cinq parcelles contenant chacune 3 hectares.
Aucune des familles citées plus haut n’existe comme propriétaire: tout leur avoir foncier est en d’autre mains.
La famille de Chambonnaud a vendu ce qui s’appelait « la Terre d’Aunac » en 1860. Cette terre, aujourd’hui aux mains de, plus 50 propriétaires, a certainement quintuplé son revenu d’autrefois. Elle contenait 50 journaux de bois; à part un coteau boisé, il n’y en a plus que 8 non défrichés: le reste est en culture Les propriétaires cultivant de leurs mains sont donc devenus possesseurs de tout le sol; ils n’en sont plus réduits à la culture exclusive des terres peu fertiles et éloignées; cette transmission de grandes propriétés en des mains calleuses a été toute une révolution en agriculture à Aunac.
Avant cette époque, les cultivateurs avaient fort peu de bestiaux et cependant, il y a 50 ans et plus, on cultivait généralement toutes les terres; la surface labourée était tout près du double de ce qu’elle est aujourd’hui, car on ne connaissait pas la prairie artificielle.
Résultat: beaucoup de travail et peu d produit. Le travail à la bêche et au pic était considérable, car il fallait parfaire à la main le travail si imparfait de la vieille charrue. Les produits de la terre étaient grossiers. Peu de froment, mais beaucoup d’orge , de méteil (mélange de froment, d’avoine et d’orge). On n’avait que ce moyen pour récolter assez, et encore il y avait insuffisance, car on trouve encore, en beaucoup de maisons, la vieille râpe qui servait à réduire la pomme de terre en une pulpe que l’on mêlait à la farine de mouture. Le mais blanc entrait aussi pour une certaine fraction dans la consommation des habitants. De novembre à mars, il y avait moitié ,maïs dans la pochée (grain envoyé au moulin).
Il n’y avait pas dans la commune plus de douze paires de boeufs, et pas du tout de veaux d’Auvergne pour l’élevage; il y avait en revanche une certaine quantité de bêtes asines, mais pas de chevaux. On trouve à Aunac une personne qui désigne le premier cheval qui ait existé dans la commune. Il appartenait à un nommé Brousse, propriétaire au Vieux-Aunac.
Avec si peu de bétail, il fallait bien que les bras de l’homme fissent une bonne partie de la besogne.
Aussi,trouve-t-on dans les vieilles armoires des actes où les contractants sont ainsi désigné: X, laboureur à bras, Z, laboureur à boeufs. Laboureur à bras signifie laboureur à la bêche. Les prés naturels suffisaient à la nourriture de si peu de bétail. Quand on a commencé à faire des fourrages, on a employé exclusivement le sainfoin. Un homme de 65 ans m’a indiqué l’endroit où a été semée, il y a 50 ans, une planche de luzerne.
C’était une nouveauté. La culture de cette planche ne se généralisa que très lentement; la principale raison qu’on donnait pour ne pas semer de luzerne, c’est qu’on ne pouvait pas, cinq ou six ans après, défricher le terrain où on l’avait mise. C’était vrai, du reste car la charrue de fer, la grosse herse de nos jours, les bons 1 1885 attelages, tout cela n’existait pas. Beaucoup de petits cultivateurs, n’ayant aucun bétail allaient donner des journées à l’une des trois ou quatre fermes de’ l’endroit pour que les boeufs de la ferme labourassent quelques lopins de terre. On labourait à la charrue, de bois, sans roues. La première charrue de fer qui a ouvert une raie dans la commune a été achetée à Angoulême, le jour du passage dans cette ville de Louis Napoléon, alors président de la République. Inutile d’ajouter qu’on ne connaissait aucun des instruments aratoires employés aujourd’hui.
Il y a 60 ans, le prix des terrains était à peu près la moitié du prix actuel.
La culture d’une plante industrielle, le safran, était autrefois très répandue dans la commune. Elle se faisait exclusivement à bras, avec le pic. Elle avait lieu surtout dans les familles aisées, car il fallait beaucoup de fumier. Aujourd’hui, il n’y a plus trace de cette culture. Le safran valait 60 francs la livre. Les vieillards se rappellent encore avec plaisir les réunions pendant les veillées d’automne pour le triage du safran. Il fallait être nombreux disent-ils pour pouvoir, en une veillée, trier une once de safran.
Donnons maintenant quelques chiffres pour qu’on puisse établir la comparaison entre l’agriculture du commencement du siècle et celle d’aujourd’hui.
Les deux cinquièmes des terres sont en fourrage. Chaque maison de cultivateur a sa charrue de fer et les bestiaux pour la traîner. On laboure beaucoup avec des chevaux: il y en a 68 dans la commune et plus de 100 boeufs ou veaux d’Auvergne.
Le roulage se fait exclusivement avec des chevaux; voilà que bientôt la charrette à boeufs sera une curiosité. Tout le gros grain est consommé par les animaux, surtout par les porcs qu’on élève en grande quantité. Le pain est généralement de pure farine de froment. Les engrais sont abondants, et pourtant on ne s’en contente plus, et on commence à rechercher les engrais chimiques. Enfin c’est sur le cheval que retombe à peu près tout le travail agricole. Cette dernière constatation, suffit a montrer qu’il s’est opéré en agriculture, dans l’espace d’une soixantaine d’années, une révolution complète, puisque, à cette époque il n’y avait pas de chevaux dans le pays.
Evolution de l’Agriculture de 1885 à nos jours
La propriété est toujours, comme en 1885, excessivement morcelée. Cependant, il est permis d’envisager. dans l’avenir une amélioration à cet état de choses.
Déjà le mouvement se dessine. Les familles étant malheureusement trop peu nombreuses, la propriété du sol se divise sur moins de têtes. Mais l’agent le plus favorable à cet égard est certainement l’exode de nos paysans vers les villes. Que faire de ses champs lorsqu’on est au loin? On vend au voisin et ces ventes conduisent à. la reconstitution des terrains assez étendus pour qu’on puisse y appliquer avec avantage les méthodes nouvelles.
Les terres sont très fertiles et bien cultivées; cependant, pas plus qu’il y a 35 ans, la commune ne récolte le blé nécessaire pour nourrir de pain de pur froment ses 400 habitants. On en peut trouver une raison dans ce fait que l’élevage prend chaque jour de l’extension, ce qui oblige l’agriculteur à consacrer de plus en plus de terrain à la culture des racines et aux prairies artificielles.
On ne laboure plus avec des boeufs. Une seule charrue à boeufs a été utilisée pendant la guerre, à la suite des réquisitions de chevaux. Actuellement, il y a, dans la commune, au moins 60 chevaux, presque tous employés au travail de la terre. Par contre, les marchands forains vendent leurs chevaux et achètent des autos-camions.
Les charrues en fer sont toujours les plus nombreuses. Cependant le progrès conduit à l’emploi de la charrue « Brabant ». Il y a cinq de ces dernières dans la commune et ceux qui les utilisent s’en félicitent. Deux tracteurs ont aussi servi cette année à conduire les machines à battre le grain. L’un d’eux a permis, un jour de ce mois de novembre 1920, de labourer cinq journaux de terre en cinq heures. (Dans le pays, le journal équivaut à une surface de 32 ares). Nos cultivateurs estiment cependant le moyen peu pratique et trop coûteux avec des terrains morcelés et une couche de terre végétale très mince en certains endroits.
A peu près tout le grain est battu par .des machines à. vapeur ou des moteurs à pétrole. Tous les anciens moyens ont disparu. Je ne crois même à l’emploi d’aucun manège à chevaux dans le pays. Le système de battre avec les machines à vapeur est le plus coûteux, car il demande un grand nombre d’ouvriers, ce qui occasionne de grands frais pour la nourriture du personnel. Malgré cela, on y tient en raison de la vitesse du travail, le grain étant automatiquement vanné, ensaché, ajusté. Les ouvriers ne sont pas payés; c’est l’aide mutuelle qui est pratiquée et battre ainsi est une fête de village. La nourriture est relativement recherchée, le batteur vide souvent son verre et la verve gauloise en est réveillée. On travaille dur, mais on rit largement et les plus moroses sont forcés de se dérider.
Pour les bêtes d’élevage, bien des modifications sont survenues: en 1885, il y avait deux vaches, en 1920, il y en a 60. Cette augmentation est due à’ l’installation d’une laiterie, mais aussi à la consommation; chaque jour plus grande, du lait dans les ménages. En 1885, il y avait 100 boeufs et veaux d’Auvergne. Le nombre est 1e même aujourd’hui. Mais, alors qu’à la première date on comptait plus de boeufs que de veaux, à la dernière, c’est l’inverse; maintenant, en effet, on élève pour le commerce et la boucherie, et les veaux sont très recherchés.
Il y a 35 ans, 100 moutons étaient disséminés dans 10 fermes. Il n’y a plus actuellement que trois troupeaux, l’un de 15 têtes, l’autre de 25 et le dernier de 12. Aussi voit on de moins en moins le classique tableau de la bergère conduisant le troupeau de ses moutons à blanche laine. Et puis les bergères d’aujourd’hui sont bien différentes du type convenu: elles se sont singulièrement modernisées.
Tout le bétail est nourri mi-partie à l’étable, mi-partie au pâturage, dans une superbe prairie banale dont l’herbe fine et grasse constitue une précieuse ressource pour les éleveurs en même temps qu’elle offre aux yeux un site qui semble résumer le caractère et la grâce du pays de Charente.
L’Évolution de l’Agriculture à Aunac de 1885 à nos jours.
Mme Lamiaud, institutrice honoraire à Aunac.
Bulletin départemental de la Charente, Etudes locales, 2e année, N. 10, avril 1921, pp. 69-73.
Les propriétaires des animaux en assurent la garde à tour de rôle. Là encore, la coopération, l’aide mutuelle interviennent pour le profit de tous. Pourtant une mutuelle-bétail a malheureusement disparu depuis peu, sa situation ayant périclité pendant la guerre.
Tout le gros grain est consommé par les animaux, surtout par les porcs qu’on engraisse en grande quantité parce que, avec le commerce tel qu’il se pratique depuis la période de guerre, on y fait des bénéfices considérables. Je puis citer l’exemple suivant comme absolument exact: le 16 décembre 1919, à la foire d’Aunac, un cultivateur a acheté deux porcelets de trois mois pour la somme totale de 300 francs et les a revendus, le 16 septembre 1920, pour 2.060 francs. Les gens de la culture trouvent qu’on ne perd ni son temps ni les produits de la terre avec de tels résultats et font volontiers des rapprochements entre les prix et les bénéfices actuels et ceux d’autrefois.
Grâce à’ l’extension donnée à l’élevage, on dispose de beaucoup d’engrais naturel. Cependant on ne s’en contente pas et, à juste titre, y ajoute-t-on des engrais chimiques pour les deux tiers environ; on en emploierait même bien davantage s’ils étaient à des prix plus abordables.
Céréales et fourrages sont exclusivement coupés par des machines; la faucille est devenue un outil presque inemployé et la faux ne sert plus qu’à faire les chemins sur le tour des pièces à faucher ou à moissonner, avant d’y passer avec la faucheuse ou la moissonneuse. On se sert de machines à deux fins qui fauchent ou moissonnent selon les besoins. On en trouve une de ce genre dans chaque maison de culture. Les moissonneuses-lieuses sont plus rares; leur prix étant bien plus élevé, elles sont mieux appropriée à la grande culture, à moins que l’association n’intervienne. On en compte quatre seulement dans la commune. La première moissonneuse employée ici a été achetée il y a environ 35 ans; la première moissonneuse-lieuse, il y a une douzaine d’années, et la première charrue Brabant depuis dix ans déjà.
Une autre machine – qui n’est point agricole, pourtant – rend aux cultivateurs des services appréciables ,dans leurs travaux. C’est la bicyclette avec laquelle ils gagnent énormément de temps pour se rendre à leurs champs et en revenir plusieurs fois dans la journée Ainsi disparaît peu à peu l’antique usage du repas de midi pris sur place… D’ailleurs aujourd’hui le cultivateur gagne et dépense l’argent facilement. Tous ont des bicyclettes. Les femmes s’en servent également. On ne marche guère plus.
C’est un signe des temps…
Depuis une vingtaine d’années, on a planté un peu de vigne. Les cultivateurs la soigne avec intelligence par les procédés nouveaux et sont heureux de faire un peu de vin comme jadis. On dit que, dans, cinq ou six ans, chaque cultivateur pourra récolter presque sa provision.
De 1815 à 1885 la valeur des terres avait doublé; de 1885 à 1914, cette valeur a subi un fléchissement progressif. Les nouvelles conditions économiques créées par la guerre ont, ici comme partout, provoqué une hausse énorme dans le prix des terres. Toutes celles qui ont été vendues depuis six ans l’ont été dans des conditions qui étonnaient les vendeurs eux-mêmes.
En somme, les conditions et les procédés de l’agriculture se sont profondément modifiés depuis 35 ans et il est incontestable que de grands progrès ont été réalisés, en raison surtout de l’emploi de plus en plus répandu des machines agricoles et des engrais chimiques, de la pratique plus étendue de l’élevage et d’une application mieux comprise de la coopération. Mais il est non moins certain que des améliorations restent à poursuivre dans l’avenir.
La Superstition au XIX dans la Région
Je voudrais n’avoir que peu de choses à dire sur ce sujet, car, en ma double qualité d’instituteur et d’habitant d’Aunac où je suis né, je serais heureux de constater que mes voisins et compatriotes n’attachent d’importance qu’aux choses sensées; malheureusement, il n’en est point encore ainsi Je vais d’abord énumérer sommairement les absurdités qui ne sont pas particulières à Aunac, mais qui ont prise encore aujourd’hui (1885) sur les habitants d’Aunac comme sur ceux des environs.
1.- Il ne faut pas nettoyer les étables le vendredi.
2.- Il ne faut pas mêler à la plume que l’on met dans les lits de la plume de pigeon, car l’agonie desmoribonds se prolongerait indéfiniment.
3.- Les charpentiers sont aptes à guérir les « Vartaupe », abcès qui viennent à la figure, au cou. Pour cela, ils font quelques grimaces, quelques signes cabalistiques, puis, tout à coup, s’élancent sur le patient, hache levée, le menacent sans le frapper, bien entendu, et, la guérison arrive quand elle peut.
4.- Le chant du pinson annonce la mort.
5.- Si un rat ou une belette traverse votre chemin, quand vous êtes en voyage, rétrogradez, il vous arriverait malheur.
6.- Si on rêve à la lessive, il mourra bientôt quelqu’un dans la maison.
7.- Il ne faut pas faire tourner une chaise, cela porte malheur.
8.- Quand on met le pain sens dessus dessous, c’est un signe que, dans la maison, le mari et la femme se battent.
9.- Il faut « semer les fleurs » le jeudi saint pour qu’elles viennent doubles.
10.- On se fait panser par quelque bonne femme quand on a la « petarne » (poitrine « abattue »)
14.- Quand un petit enfant est malade, il faut jeter son bonnet au feu.
12.- A Lichères, commune voisine, il y a une fontaine ou l’on va en dévotion: on y jette un bonnet d’enfant malade; si ce bonnet coule, c’est que la maladie est grave; Si l’objet surnage il y a espoir de guérison.
13.- Il ne faut pas chanter en lavant, parce qu’on épouserait un fou.
Parlons maintenant des croyances locales qui ont en prise sur l’esprit de la population d’Aunac et qui sont encore enracinées chez quelques bonnes gens à la foi robuste. Il n’y a pas vingt ans que certaines femmes de l’endroit allaient régulièrement en dévotion à une fontaine qui coule auprès du bourg de Moutonneau, à quelques centaines de mètres d’Aunac. C’était pour se guérir ou se garantir du mal caduc. Il fallait jeter des épingles au fond de la fontaine, après les prières d’usage. Celui qui écrit ces lignes a joué plus d’une fois avec les épingles que lui et ses camarades avaient tirées de cette fontaine.
En 1825, une panique régnait à Aunac. Un animal terrible, « la bête rouge » , avait bois, près du Vieux-Aunac. Tout le monde en était effrayé. Pendant toute la belle saison, les cultivateurs n’osèrent point faire la méridienne dans les champs, comme c’est d’usage à la campagne. On craignait trop la « bête rouge ». Tous l’avaient vue, d’après la rumeur publique. Quelques bons tireurs, armés jusqu’aux dents, ,réussirent enfin une nuit, à la cerner, et la criblèrent de balles. Quand ils s’approchèrent de leur (Bulletin Départemental de la Charente, Études Locales, 1re année, N. 3, juillet 1920)
victime, ils ne trouvèrent rien qu’une souche d’arbre. Ce qu’il y a de certain, c’est que la « bête rouge »devint légendaire à Aunac.
Il y a, dans le coteau qui entoure la prairie, un trou qui ne paraît guère avoir été fait par la main de l’homme: c’est le « c1useau ». Il y a cinquante ans, il était, le plus souvent, appelé « Le trou des Fades » (fées). Pour les habitants, c’était la retraite des fées malignes qui venaient rendre visite aux laveuses attardées, l’hiver, aux fontaines qui coulent au pied du coteau. Aussi se gardait-on bien de rester tard à laver à ces fontaines. Une croyance populaire veut aussi que ce trou communique avec un puits qui se trouve à plus d’un kilomètre et demi de là, à Anguinlais, commune de Saint-Front.
La croyance aux loups-garous a été longtemps respectée à Aunac et y trouve encore même des apôtres. Il y a encore des familles qui souffrent de cette absurdité. Quand les enfants veulent se marier, leur reproche d’être de famille de loups-garous. N’exagérons point pour pourtant: on n’en parle plus que le sourire aux lèvres; mais il est certain cependant que cela jette une défaveur sur quelques familles: seulement on sent bien que cette superstition s’en va vite. On m’a raconté qu’un loup-garou , qui prenait habituellement sa peau de bête dans le tronc creux d’un noyer y avait laissé sa veste. Cette veste ayant été retrouvée là, on pria le curé de la paroisse d’annoncer que ce vêtement était mis à la disposition de son propriétaire, mais le loup-garou, pour ne pas se faire connaître, se garda bien de réclamer sa veste. On dit aussi qu’un jeune homme des environs, allant voir une jeune fille qu’il désirait épouser, fut arrêté en route par une bête, un loup-garou, qui porta la patte au pommeau de la selle de son cheval. Le cavalier tira son couteau et coupa la patte qui se trouva être une main humaine. Arrivé chez la jeune fille, il apprit qu’elle était souffrante et
au lit; avec la permission de la mère, il s’approcha du lit de la malade, et voulut lui toucher la main; il ne prit qu’un moignon; c’était la main de la jeune fille qu’il avait coupé dans sa route. Cette jeune fille « courait le loup-garou ». La personne qui m’a conté cela et en qui j’ai la plus grande confiance m’a dit « Je l’ai ouï dire bien souvent à ma mère. – Et croyait-elle, votre mère, à ce qu’elle racontait là? » lui ai-je dit, car tout l’intérêt de la chose consiste à savoir si c’était comme passe-temps qu’on rapportait cela ou comme histoire à laquelle on accordait encore créance, il y a 30 ans. Elle m’a répondu: « Ma conviction est qu’elle y croyait ». Le seul moyen de guérir de cette affliction était de se faire blesser de manière que le sang coulât. Aussi. les vieilles gens disent que le loup-garou s’avançaient vers ceux qui les menaçaient, pour être touchés par leur arme.
Un habitant de la commune, mort il y a environ 25 ans, a exercé sur la population ignorante pendant de longues années, une véritable fascination. Il était « sorcier ». C’était là un pouvoir fort lucratif qu’il cumulait avec celui de vétérinaire empirique. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, ce n’était pas là un sorcier vulgaire. Il a eu vraiment de la célébrité. Il s’entourait de mystère, de livres écrits en langues mortes, de drogues de toutes sortes et faisait merveille, au dire des voisins. On assure que des gens de loin, même des étrangers au département de la Charente, venaient le consulter. Il a fortement contribué à la ruine de certaines familles qu’on pourrait citer; car, si on était « ensorcelé », lui seul pouvait guérir et il fallait souvent porter des « louis d’or à la lunette », sur la tombe la plus fraîche du cimetière ou sous une racine de vieux chêne, à la Garenne. Tant pis si les louis restaient: le malade ne guérissait pas.., mais ils n’y restaient jamais. Seulement le mal revenait souvent, et le sorcier avait fort à faire. La croyance à un pouvoir surnaturel attribué à cet homme l’avait fort mis en clientèle pour la guérison des bestiaux. Au plus beau temps de sa prospérité comme on le payait en blé, il avait deux greniers l’un à Couture, l’autre à Rochefort , et il y entassait, assure-t’on, plus de cent boisseaux de blé Ce vétérinaire là aimait à boire et le langage local s’est enrichi grâce à lui de ce dicton: « Buvons un coup, nous verrons la bête après. » C’était ce qu’il disait quand on lui proposait de rentrer, dans l’étable pour visiter un animal malade. On pourrait citer des personnes à qui il avait fait perdre la raison en frappant leur imagination Ce triste personnage est mort misérable car son pouvoir était méconnu dans les dernières années de sa vie. Mais on parlera longtemps de lui encore à Aunac, et son nom seul fera trembler les petits enfant assis sur les genoux ,de la vieille grand-mère racontant l’histoire du sorcier.